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Peut-on croire les résultats des enquêtes internationales à propos de l'effet de composition ?
Julien Danhier  1@  , Emilie Martin  2@  , Alejandra Alarcon  1@  , Rob Kaelen  1@  , Dirk Jacobs  1@  
1 : Group for research on Ethnic Relation, Migration and Equality, Université Libre de Bruxelles  (GERME - ULB)  -  Site web
Université Libre de Bruxelles Institut de sociologie - GERME - S.14.105 Avenue Jeanne, 44 - CP124 B-1050 Bruxelles -  Belgique
2 : Group for research on Ethnic Relation, Migration and Equality, Université Libre de Bruxelles  (GERME - ULB)  -  Site web
Université Libre de Bruxelles Institut de sociologie GERME, bur. S14-206 avenue Jeanne, 44 CP 124 B-1050 Brussels (BELGIUM) -  Belgique

L'effet de composition peut être défini comme l'effet propre du regroupement des élèves. Il regroupe toutefois une multiplicité de mécanismes qui touchent aux effets de pairs (niveau des discussions, motivations, climats disciplinaires, sous-cultures scolaires et groupes de référence), aux effets des enseignants (méthodes pédagogiques, ajustement du style d'enseignement et du curriculum, expérience ou qualification) et aux effets de l'organisation des écoles (gestion des ressources humaines, leaderships, turnovers ou organisations des routines quotidiennes) (Thrupp, 1999 ; Harker & Tymms, 2004 ; van Ewijk & Sleegers, 2010). La recherche a montré que cette composition est significativement associée aux résultats des élèves (De Fraine, Van Damme & Onghena, 2002 ; Rumberger & Palardy, 2005 ; Dumay & Dupriez, 2008 ; Condron, 2009 ; Sykes & Kuyper, 2013). Ce concept s'est révélé essentiel pour comprendre comment les écoles sont enchevêtrées dans des processus de reproduction sociale : les élèves d'origine défavorisée sont doublement pénalisés puisqu'ils présentent des résultats plus faibles et leur tendance à être scolarisés avec d'autres élèves défavorisés est associée à des résultats encore plus faibles.

Ce concept, essentiellement statistique, reste pourtant au centre d'un vif débat méthodologique. Cet effet pourrait, partiellement ou totalement, n'être qu‘un artefact statistique dû à l'omission de certaines variables capitales relatives aux élèves (Willms & Raudenbush, 1989 ; Nash, 2003 ; Harker & Tymms, 2004 ; Gorard, 2006) ainsi qu'à une mauvaise modélisation de la structure hiérarchique (Opdenakker & Van Damme, 2000), des erreurs de mesures et d'échantillonnage (Marsh, Lüdtke, Robitzsch et al., 2009 ; Televantou, Marsh, Kyriakides et al., 2015 ; Pokropek, 2015). Ces critiques portent donc à la fois sur la qualité des données et les méthodes utilisées pour les analyser.

Les riches enquêtes internationales de l'OCDE et de l'IEA ont été largement mobilisées pour mesurer cet effet de composition et comparer son ampleur dans les différents systèmes éducatifs. Si l'on prend toutefois en compte la critique méthodologique qui vient d'être très brièvement esquissée, ces données pourraient être essentiellement inappropriées pour mesurer l'effet de composition et les conclusions qui se fondent sur leurs analyses pourraient être erronées. L'absence de caractère longitudinal (et d'une mesure de la réussite en début d'année scolaire) est particulièrement pointée. Bien que les chercheurs aient tenté de compenser ce biais d'omission en contrôlant davantage les caractéristiques des élèves telles que la carrière scolaire ou des variables attitudinales (Dumay & Dupriez, 2007 ; Agirdag, Van Houtte & Van Avermaet, 2011), l'effet de cette compensation sur la mesure de l'effet de composition reste incertain.

Durant le premier semestre de l'année scolaire 2014-15, notre équipe a conduit une large collecte parmi les écoles de la Fédération Wallonie Bruxelles. 104 écoles ont été sélectionnées et dans chaque école, toutes les classes (environ 600) et tous les élèves de deuxième année commune ont été invités à participer (environ 12000). Un test de mathématiques et des questions sociodémographiques ont été collectés. Ces données nous permettent d'estimer le biais statistique dû à l'utilisation de données inappropriées et confirment qu'en l'absence d'une mesure de la réussite préalable, l'effet de composition est surestimé, mais reste néanmoins hautement significatif.


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