Communications > Par auteur > Dupriez Vincent

Faire société dans un monde incertain. Quel rôle pour l'école ?
Eric Mangez  1@  , Mathieu Bouhon  2@  , Branka Cattonar  2@  , Bernard Delvaux  1@  , Hugues Draelants  1@  , Xavier Dumay  2@  , Vincent Dupriez  3@  
1 : Groupe interdisciplinaire de Recherche sur la Socialisation, l'Education et la Formation  (Girsef)  -  Site web
Place Montesquieu, 1/14 1348 Louvain-la-Neuve -  Belgique
2 : Université de Louvain  (UCL)  -  Site web
Place Montesquieu, 1/14 1348 Louvain-la-Neuve -  Belgique
3 : girsef

La journée ABC Day pose « la question fondamentale du type de société et des valeurs auxquelles les institutions éducatives et leurs partenaires sont invités à participer ». Dans cette contribution, nous partons du principe qu'analyser le rôle contemporain de l'école en matière de normes et de valeurs exige de prendre en compte les transformations radicales des sociétés contemporaines. Une première évolution complique la tâche de l'école : si elle a pu, pendant un temps, s'appuyer sur un certain nombre de « certitudes » relatives par exemple à ce que l'on était en droit d'attendre d'un « bon » élève ou d'un « bon » enseignant ; aux rôles que chacun avait à jouer ; aux valeurs que l'enseignant devait transmettre et même incarner ; aux différents types d'enseignement que devaient fréquenter différentes catégories d'élèves, etc., aujourd'hui, ces repères normatifs et bien d'autres encore ont volé en éclat (Derouet 1992, Dubet 2002). Une autre évolution notable, parallèle à la première, doit être soulignée : la quantité, la qualité et la diversité des connaissances relatives à l'éducation sont beaucoup plus importantes aujourd'hui que par le passé. Les deux constats ne sont pas sans lien (nous disposons à la fois de beaucoup moins de certitudes et de beaucoup plus de connaissances) et forment en réalité les deux faces d'un paradoxe typique de la modernité : les gains de connaissances produisent systématiquement de nouvelles zones d'ignorance et d'indétermination.

La montée de cette indétermination normative touche l'ensemble des grandes institutions de la modernité. Ces évolutions transforment évidemment les conditions dans lesquelles se réalise le processus d'intégration sociale et culturelle des jeunes générations ainsi que le rôle que l'école peut jouer dans ce processus. Cette communication entend livrer un cadre pour penser les effets de cette indétermination normative sur la manière dont l'éducation contribue au « faire société ». Nous partons de la proposition selon laquelle l'indétermination normative qui se développe produit des effets différents à des niveaux différents : celui du système éducatif global, celui des organisations et celui des acteurs du processus de socialisation. A chacun de ces niveaux, des processus indissociablement cognitifs et normatifs, mais de nature différente, sont à l'œuvre en vue de ré-établir des repères pour l'éducation et la socialisation. Nous formulons une triple hypothèse selon laquelle l'indétermination normative contemporaine contribue :

  • au développement et à l'expansion d'un système de gouvernance globale de l'éducation, capable d'absorber de plus en plus de finalités éducatives en les passant au travers du prisme (inévitablement réducteur) de la performance ;

  • à la fragmentation de l'institution éducative en différentes organisations qui prennent chacune des orientations spécifiques quant à leur manière de « faire société » ;

  • à la complexification et à la diversification de l'expérience de socialisation qui fait de plus en plus peser sur les jeunes et leurs enseignants la charge de réduire et ordonner l'excès de possibilités (le manque de certitudes) auquel ils font face.

Certains des éléments empiriques et théoriques qui fondent chaque dimension de cette triple hypothèse seront présentés. Nous montrerons en outre en quoi ces évolutions peuvent interroger les systèmes éducatifs et leur contribution à certains types de relations sociales et de société.


Personnes connectées : 1