Communications > Par auteur > Leclercq Christine

Si la notion d'interculturalité est aujourd'hui souvent mobilisée lorsqu'il s'agit d'envisager un meilleur vivre ensemble, elle demeure pourtant un concept relativement flou aux yeux des acteurs de par la richesse sémantique qu'elle alimente et les usages variés auxquels elle donne lieu. Que recouvre- t-elle exactement aux yeux des acteurs impliqués dans des situations où la question du vivre ensemble est fortement questionnée de par la diversité des publics en présence, tel le contexte scolaire ? Comment les équipes éducatives (directions, enseignants et éducateurs) et leurs élèves se représentent-ils l'interculturalité ? Et quelles situations vécues évoquent-ils lorsqu'il s'agit d'illustrer cette notion dans le contexte de leur établissement ? Pour tâcher de répondre à ces questions, nous avons réalisé des enquêtes de terrain au sein de quatre écoles secondaires contrastées (tant au niveau de leur localisation, de leur offre d'enseignement, de leur public que du réseau duquel elles relèvent) en menant des entretiens semi-directifs et des analyses en groupe, inspirées de la Méthode d'Analyse en Groupe (Van Campenhoudt et al., 2005), auprès de ces divers acteurs scolaires. Les matériaux recueillis par ce biais ont été traités par analyse thématique.

Après avoir présenté la question de recherche et la méthodologie utilisée ainsi que son intérêt, nous présenterons les principaux résultats de cette analyse thématique qui met à jour des tensions, des situations vécues comme problématiques et l'existence de traitements inégalitaires des élèves par un système scolaire qui continue de diviser, classer et catégoriser. Les thématiques dégagées permettent en effet de cerner le modèle scolaire à l'œuvre en matière de gestion de la différence et les limites qu'il présente à cet égard. Nous verrons par exemple que l'interculturalité, qui de prime abord est perçue comme positive, est plutôt vécue en contexte scolaire sur un mode de l'ordre de l'incident. Les interprétations dont font l'objet ces incidents, imputés à des différences culturelles, renforcent les séparations entre ceux maitrisant les codes scolaires et ceux qui ne les maitrisent pas ou peu et participent à l'étiquetage de ces derniers. Nous montrerons que le modèle scolaire de gestion de la différence qui est sous-tendu par ces lectures et ces pratiques est un modèle poursuivant une logique assimilationniste (Meunier, 2007 ; Verhoeven, 2012) qui voit la culture scolaire comme une norme – non-particulière et se présentant comme neutre – à laquelle tout élève doit s'adapter et qui ne permet pas d'apaiser les tensions et de faire société au sein de (et par) l'école.

Pour offrir des pistes de dépassement de ce modèle assimilationniste, nous proposerons alors un changement de paradigme en nous penchant sur les atouts que peut offrir le modèle interculturel. Ce modèle propose en effet une démarche qui permet un vivre ensemble basé sur la singularité et l'universalité des individus évitant par-là toute catégorisation (Cohen-Emerique 1993 ; Abdallah-Pretceille, 2013) et prétention de neutralité. De cette façon, nous montrerons que cette démarche permet de déminer les situations vécues comme problématiques par les acteurs scolaires et offre un modèle de vivre ensemble non-discriminant.

Bibliographie

Abdallah-Pretceille M. (2013), (4e éd.), L'éducation interculturelle, Paris, Que sais-je, PUF.

Cohen-Emerique M. (1993), « L'approche interculturelle dans la formation des professionnels du champ socio-éducatif », in Collot A., Didier G. & Loueslati B. (dir.), La pluralité culturelle dans les systèmes éducatifs européens, Nancy, Publication du Centre Régional de Documentation Pédagogique de Lorraine, p. 209-220.

Meunier O. (2007), Approches interculturelles en éducation. Etude comparative internationale, Les Dossiers de la Veille, INRP.

Van Campenhoudt L. et al (2005), La méthode d'analyse en groupe. Applications aux phénomènes sociaux, Paris, Dunod.

Verhoeven M. (2012), « Politiques éducatives et diversité culturelle : des philosophies d'intégration aux compromis locaux », Service Général de la Jeunesse et de l'Education permanente, Conceptions du dialogue interculturel en Wallonie et à Bruxelles, 16, p. 93-104.